Noms actuels, noms oubliés
Branche de l’étude des noms en général (onomastique), la toponymie est l’étude des noms de lieux : villes et villages, lieux-dits, fermes,… Ces noms ont évolué au cours du temps, certains ont été oubliés. L’évolution du nom Molandier en est un exemple : de Mont Lauder (1142) à Monslanderius (1195) puis Molendier (1366), Montelanderio (1385) et Molandié (1788) pour arriver à l’orthographe que nous connaissons aujourd’hui.
Tous les noms de lieux ont une origine, facilement repérable pour certains (La Borde du Bosc « ferme du bois » colle ici à une réalité géographique), moins évidente pour d’autres. Mais attention aux conclusions trop hâtivessur l’origine des noms. Par exemple, la ferme « Belair » : si sa situation géographique, face à la plaine et aux Pyrénées montre que « l’air y est bon », une autre explication du nom est possible. En occitan, « l’erm » devenu « air » est une terre inculte souvent de mauvaise qualité, c’est-à-dire une grande friche. Seuls ceux qui ont baptisé la ferme pourraient nous donner le sens choisi. Mais le sujet de cet article n’est pas l’origine des noms de fermes de Molandier mais des noms de lieux qui entourent le village. Nous verrons dans un prochain écrit ce qu’il en est des fermes.
A tout seigneur, tout honneur en quelque sorte. Commençons par le Castelas. Ce nom signifiant « vieux château » tire son nom de la maison fortifiée érigée sur la motte qui accueillit aussi les habitats paysans avant la construction de la bastide au XIIIème siècle. Le château originel, sans doute daté du XIème siècle, appartenait au seigneur Lauder ou Landerius qui a donné son nom au village. Puis le « castellum » devient la propriété des seigneurs de Laurac. Au cœur de conflits entre les seigneurs de Carcassonne et ceux de Toulouse, le château est passé d’un camp à l’autre avant qu’un traité de paix entre Raymond Trencavel et Alphonse-Jourdain au XIIème siècle ne vienne apaiser les tensions. Le village entourait la maison fortifiée au XIIème et XIIIème siècle avec fossé et mur d’enceinte. Après la croisade des Albigeois, Molandier devient possession des seigneurs de Belpech. La création de la bastide (charte du 1er avril 1246) viendra mettre un terme à l’habitat centré autour du château pour se constituer à l’endroit que nous connaissons aujourd’hui.
L’Horte
C’est un nom que je ne connaissais pas et qui n’est plus employé depuis longtemps. Ce « jardin potager » ne se situe pas au Vigné (lieu où il y eut de la vigne) comme on aurait pu le croire et qui n’est pas sans rappeler Marius Rivière et ses cultures maraîchères mais derrière la Mairie, en direction de La Louvière. Cette bande de terre, avant de devenir terrain agricole a dû accueillir des jardins il y a bon nombre d’années.
Tourret
Tourret est plus connu bien que n’étant plus utilisé. Ce lieu-dit se situe au nord du village entre la route de La Louvière et la côte de Garaud. En occitan gascon, tourret signifie meunier. La route de Garaud ne s’appelle-t-elle pas « la côte du moulin » ? La carte de Cassini indique la présence d’un moulin au sommet de la côte. Un acte de décès du 8 août 1693 de Jeanne…venue glaner, épouse de Jean… meunier conforte la théorie de l’existence du moulin et donc de l’origine du nom tourret.
Les Joncasses
En prolongement de tourret se trouvent Les Joncasses, le Juncas pour certains. Ce nom est tiré du mot « ajonc », plante qui devait pousser à cet endroit sur un sol humide aujourd’hui cultivé.
Le ruisseau du Rival
Qui se souvient du ruisseau de Bouno Nuèit ? Ce ruisseau, né entre Pagnou et Dreuil, est plus connu sous le nom de ruisseau du rival. Il a donné son nom à la colline toute proche de Molandier. Littéralement, rival signifie « petit ruisseau ». Donc, logiquement, on devrait parler du rival et pas du ruisseau du rival …
Saoulou
Dirigeons-nous maintenant vers Marquet. Le terrain sablonneux situé en bordure de l’Hers, au niveau d’une courbe, a fourni du sable pour la construction de maisons du village. On nommait aussi cet endroit : la sablière de la Pomponne, surnom de la personne qui vivait à Marquet.
Faulens
En direction de Belpech, si la plaine de Barraute est connue, celle de Faulens l’est sans doute moins. L’ancien cadastre de Molandier dit cadastre Napoléon la situe en prolongement de la plaine de Barraute, face à Talvézy le vieux. Ces deux plaines sont séparées par le chemin « del miech » c’est-à-dire du milieu dont quelques traces subsistent au milieu … de la plaine. Dans cette plaine se trouvait une église dédiée à Saint Félix, attenante à un domaine. Elle devient un prieuré doté d’un décimaire au XIIème siècle. Ce prieuré va perdurer au moins jusqu’au XVIIIème siècle puisqu’un acte de mariage entre Jacques Descous et Anne Brousse est daté de 1765. Il y a fort à parier que le prieuré n’a pas survécu à la Révolution.
Saint Martin
Revenons à Molandier et au chemin de Saint Martin. Situé en direction du cimetière, le nom complet est Saint Martin de Gleysolis. L’adoration de ce saint remonte au IXème siècle. Une église (glèisa en occitan à rapprocher de gleysolis) était construite aux environs du cimetière actuel mais elle a disparu depuis fort longtemps. Seul le nom de Saint Martin est resté.
Que l’origine soit d’ordre géographique, religieux, historique ou autre, les noms de lieux qui nous entourent portent les traces de notre passé. Ce patrimoine doit être sauvegardé et transmis autour de nous.
Jean-Louis CUCULIERE